lundi 26 novembre 2012

Le Barrage des Trois Gorges


Billet de Patrick Forest

Sanjuan, Thierry et Béreau, Rémi. «Le Barrage des Trois Gorges, Entre pouvoir d’État, gigantisme technique et incidences régionales», Hérodote, N.102 (Mars 2011), p.19 à 56.

Thierry Sanjuan est un sinologue titulaire de la chaire d’Asie méridionale et orientale à l’université Paris-1 et le coauteur de l’article, Rémi Béreau, provient de la même université. Dans le présent article, parut dans la revue La Découverte, les auteurs tentent d’analyser le grand projet qu’est le barrage des Trois Gorges d’un point de vu géographique, en le replaçant dans le contexte d’un Parti communiste chinois en perte de vitesse et d’une modernisation rapide de la Chine. Leur questionnement pourrait se poser comme suit : ce grand projet technique est-il le signe d’un régime qui se cherche une nouvelle idéologie ou le signe que le pays est en voie de développement? Le parallèle qui est fait dans l’article entre ce projet et les autres grands symboles chinois, tels la grande muraille et les canaux, est pour le moins intéressant.


Le projet d’un barrage à cet endroit est ancien : le PCC utilise d’ailleurs les discours de Sun Yat-sen et de Mao Zedong afin de le supporter.  Bien qu’il soit discuté depuis des décennies,  il n’a passé qu’avec une petite majorité de voix à l’Assemblé populaire nationale puisque les provinces riches craignaient d’y voir un éléphant blanc qui ne leur rapporterait que peu. Néanmoins, le projet fut mis sur les rails en 1993, le PCC espérant probablement en faire un nouveau projet unificateur pour la Chine, comme l’avait été le Grand Bond en avant. Au-delà des objectifs idéologiques du parti, le barrage vise trois objectifs pratiques : contrôlé les crues du Yangtsé, augmenter la production nationale d’électricité et améliorer la navigabilité sur le fleuve, en augmentant le niveau d’eau en amont du barrage et en fournissant un débit plus constant en aval. L’impact de ce barrage sera cependant très important. 632 km2 de terres seront inondés, 846 200 personnes déplacées, et près de 2000 monuments d’importance seront inondés (bien que certains, comme le temple de Zhang Fei, seront déplacés). Il faut aussi noter que le barrage vise également un plan collatéral, qui est d’alimenter en eau le nord de la Chine afin d’y relancer l’agriculture. Il y a beaucoup de risque lié à ce barrage gigantesque : l’ensablement, les tremblements de terre, la disparition de certaines espèces ainsi que la pollution des eaux via les terres nouvellement inondées pourraient bien faire de l’ombre sur le plus grand projet d’infrastructure de la Chine moderne. Au final, les auteurs y voit l’exemple que le gouvernement chinois place volontiers sa foi dans un gigantisme technique, même si les conséquences environnementales et la perte d’une des zones historiques les plus prestigieuses de la Chine.

Si l’article ne nous donne pas de véritable réponse claire sur le but visé avec le barrage des Trois Gorges, il nous offre cependant une perspective bien intéressante en sortant ce projet du cadre pratique habituel pour proposer de le placer dans un cadre idéologique.  Il est intéressant de de voir que finalement, bien points dangereux ont été admis par le PCC en 2008:  le réservoir a augmenté la fréquence des tremblements de terre, les glissements de terrain, a causé la disparition du dauphin du Yangtzé, a finalement déplacé près du double de personnes et aurait causé une sécheresse en aval (http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/05/24/le-colossal-barrage-des-trois-gorges-inquiete-la-chine/ ).


Aucun commentaire: