lundi 12 novembre 2012

Six récits de l’école des cadres


Texte d'Amélia Lecousy

Yang Jiang, Six récits de l’école des cadres, Paris, Les Presses de la Simped, 1983.

Elle nait en 1911 et est diplômée en 1932 de l’université Dongwu de Suzhou. En 1933 elle va à l’université Qinghua de Pékin, au département des langues étrangères. C’est là qu’elle fait connaissance de son futur mari, Qian Zhongshu (1910-1988). C’est aussi vers ces dates qu’elle publie ses premiers écrits : la version chinoise d’un article de F. S. Martin, « Le communisme est-il inévitable ? » (1933), et une nouvelle, « Lulu, ne t’en fais pas !, 1935). Après s’être mariés en 1935, son époux et elle partent pour l’Angleterre et fréquentent Oxford. Ils partent ensuite pour Paris en 1937 et reviennent en Chine vers 1938. Le récit lu pour le cours est un mémoire écrit en 1983 sous le nom de «  Six récits de l’école des cadres », dans lequel elle raconte son propre vécu, lorsqu’ils ont été envoyés pour travailler en campagne dans les années 60 et début des années 70, pendant la Révolution culturelle. 

Étant un mémoire, on ne retrouve pas nécessairement une problématique, mais ce que l’on ressent et ce que l’on retient principalement après avoir lu son récit est bien l’humiliation infligée aux intellectuels sous le régime communiste.



L’auteur va passer par de nombreuses descriptions des lieux et revoir tous ses souvenirs – qu’ils soient inutiles ou importants. Le mémoire est donc divisé en six chapitres. Le premier, raconte qu’en 1969, tous les intellectuels de l’Institut où elle et son mari travaillaient ont dû passer par la « rééducation » à l’école des cadres. Les personnes âgées, les faibles, les handicapés, tous devaient obligatoirement passer par là. Elle a été séparée de son mari qui lui est parti plus tôt en campagne travaillée. Quant à sa fille qui était envoyée avec son mari en usine, ce dernier se suicida suite à une trop forte intimidation de la brigade de propagande ouvrière. Elle quitte alors la ville et doit partir rejoindre son mari, laissant sa fille toute seule. Au chapitre deux, elle raconte le travail dur et acharné que les intellectuels doivent subir. Ils travaillent depuis 3 heures du matin et finissent le soir après le coucher du soleil. Tout est à la main, il n’y a aucune machine à disposition, il n’y a pas assez d’eau et doivent se débrouiller pour construire un puits. Par ailleurs, elle apporte une remarque assez intéressante : les paysans pauvres et les moyens paysans devaient être considérés comme des « modèles » et leurs enseignants. Les paysans voyaient ces intellectuels comme des fainéants, des riches qui mangent à leur guise. C’est pourquoi, on remarque en lisant le récit de Yang que les paysans étaient d’une certaine façon jaloux de ces intellectuels et se vengeaient d’eux en leur détruisant et volant leurs récoltes. Dans le chapitre trois, elle fait le constat d’une chose assez intrigante : chacun continuait à avoir son salaire qu’il avait avant, même si son travail était moins pénible que les autres. Par exemple, elle travaillait moins fort que les autres, car elle faisait partie de la catégorie des « faibles », mais gagnait pourtant un très bon salaire. Pourquoi le PCC n’a-t-il pas touché à la question des salaires ? L’auteure ne donne pas de réponse, ce qui est dommage. Dans ce chapitre, elle explique également que les filles des paysans pauvres se fiançaient avant l’âge de 12 ans par leurs parents et étaient illettrées. Quant aux garçons d’une quinzaine d’années, ils n’avaient l’air de ne rien faire de leurs journées. Puis elle rapporte un autre suicide, d’un jeune de 33 ans et le fait que les travailleurs devaient tout détruire ce qu’ils avaient construit et planter, car l’école des cadres de l’Institut devait changer d’emplacement. Au quatrième chapitre, elle raconte que son mari est muté en ville et qu’il doit partir. On constate tout au long de son récit que son mari et elle se voient très peu, voir rarement puisqu’ils sont dans des départements différents. Tout l’Institut déménage de nouveau pour aller à Minggang. Dans le chapitre cinq, elle explique que les travailleurs habitaient chez les paysans, jusqu’à  ce qu’ils déménagent encore en 1971, quittant de district de Xi. Ils ont commencé à avoir des séances de cinéma le soir obligatoires. Elle narre dans ce chapitre les multiples périples auxquels elle a dû faire face, comme se perdre dans le bois sans lumière, sous la neige, tomber dans des ravins et retrouver son chemin. Enfin, dans le dernier chapitre, elle explique le scepticisme des travailleurs à l’idée de revoir un jour la liberté et leurs maisons. Avant d’être libéré en mai 1972, son mari et elle ne faisaient plus rien, ni travail manuel, ni intellectuel et recevaient quand même leur salaire. 
Après maintes questions philosophiques, elle conclut que son mari et elle ne pouvaient quitter la Chine avant la Libération, car c’était leur patrie et qu’ils ont alors dû subir dix années de lourdes et douloureuses réformes qui n’ont finalement servi à rien, puisque la Révolution Culturelle ne l’avait pas pour autant rendue « moins égoïste ».

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