lundi 29 octobre 2012

Paysans et communistes dans la conquête du pouvoir


Billet de Jocelyn Morand-Contant

BIANCO, Lucien, « Paysans et communistes dans la conquête du pouvoir » dans Jacqueries et révolution dans la Chine du XXe siècle, p.429-455.

Lucien Bianco est un historien et sinologue français. Il se spécialise dans l’histoire de la paysannerie chinoise du XXe siècle. Il a obtenu son agrégation d’histoire en 1968 à la Sorbonne. Il a également travaillé dans plusieurs universités Harvard, Oxford, Hong Kong, etc. Il est maintenant directeur d’études à l’École des hautes études en science sociale (EHESS) et directeur du Centre de recherches et de documentation sur la Chine contemporaine.

Le chapitre du livre de Bianco traite de la période de 1937 à 1945. L’auteur démontre dans ce chapitre que la révolution chinoise n’est pas une révolution paysanne, mais plutôt une révolution des communistes aidés par la paysannerie. Il explique les relations entre les différents acteurs de la révolution : communistes, paysans, force japonaise, propriétaires terriens et intellectuels. L’auteur s’intéresse surtout aux réactions et aux comportements de la paysannerie à cette époque.

 Bianco fait rapidement comprendre au lecteur que la guerre contre les Japonais a été l’élément qui a permis au parti communiste de rallier la paysannerie à leur cause. Ce n’est pas le discours abstrait sur les classes sociales, mais plutôt la menace concrète des Japonais qui ont rallié les paysans. Ceux-ci ne comprennent pas pourquoi ils devraient se battre contre les propriétaires, car la majorité d’entre eux acceptent leur sort. Lorsqu’ils se révoltent, ils ne le font pas pour améliorer leur sort, mais plutôt pour combattre un abus ou un droit qui leur a été enlevé. Les paysans respectent les propriétaires terriens, car ils leur permettent de faire vivre leur famille. Les paysans ne se mobilisent donc pas avec des discours marxistes, mais plutôt avec des discours patriotiques.
La composition des armées communistes se fait en premier lieu avec le recrutement de l’élite rurale. Cette élite est composée de propriétaires terriens et d’intellectuels ayant fui l’occupation japonaise des villes. Ces personnes sont pour la plupart des rivaux naturels des communistes, car ils représentent une classe aisée et éduquée. Cependant, la présence japonaise justifie leur alliance temporaire. Selon Bianco, les jeunes sont ceux qui sont le plus enclins à se joindre au mouvement. Ils sont davantage des activistes, alors que leurs parents sont plutôt prudents et sceptiques face au discours communiste. Aussi, lorsque les communistes analysent la structure sociale d’un village, ils classent les paysans en 4 catégories : activistes, paysans ordinaires, paysans arriérés et chiens de garde des propriétaires fonciers. 
Bianco traite également de la motivation de la paysannerie. Au début de la guerre, les paysans n’ont pas envie de joindre le mouvement communiste. Ils trouvent le discours marxiste étrange, car il remet en question le lien établi depuis fort longtemps entre les paysans et les propriétaires. Même si les paysans ne se reconnaissent pas dans le discours des communistes, ils acceptent cependant leur aide afin de protéger leur communauté. Ils acceptent que le parti communiste chapeaute leur milice locale afin de les protéger contre l’envahisseur. Cependant, la majorité des paysans refusent de participer à des combats se déroulant en dehors de leur communauté. Les paysans, habituellement soumis et docile, se révèlent extrêmement agressifs après les « meetings de lutte ». Ces réunions servent à galvaniser les paysans avant de saisir les biens de tel individu ou de chasser telle personne hors du village. Découvrant leur force politique dans le village, les paysans commettent plusieurs abus afin de s’emparer des richesses ou afin de faire payer leur rente par les plus riches. Les paysans légitiment leurs gains en utilisant le discours communiste auquel ils ne comprennent rien.
Bianco termine son chapitre en expliquant que le PCC a un double discours. D’un côté, le parti dit aux paysans de remettre en question l’ordre social et de construire un nouvel ordre où tout le monde sera égal. De l’autre, le parti veut contrôler les actions des paysans et veut les subordonner à ses instances. 

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