dimanche 4 novembre 2012

« Prendre » pour survivre durant la grande famine de 1958-1961


Amélia Lecousy
Billet 5

XIAOJING Liu, « Prendre » pour survivre durant la grande famine de 1958-1961, Études rurales, 2007/1 no179, p. 79-94.

Pour ce qui est de l’auteur, malheureusement, je n’ai pu trouvé d’information le concernant. Le site de l’E.H.E.S.S (École des Hautes Études en Sciences Sociales) mentionne toutefois Liu Xiaojing (je suppose que c’est la même personne) en disant uniquement qu’il est chercheur à l'Institut du Développement Agraire de l'Académie des Sciences Sociales de Chine.

Liu Xiaojing décrit dans son article les vols auxquels se sont livrés les paysans pendant les trois années de la « grande famine », de 1958-1961. Il désire montrer comment ces vols sont devenus moralement acceptables sous le prétexte que pour la survie, il était acceptable de voler. L’auteur va se baser sur une enquête menée dans le district de Xiangzhong (province du Hunan) et utilisé des sources principales telles que les Annales du district de Xiangzhong, les manuscrits de Mao Zedong depuis la fondation de la République populaire et des témoignages oraux. Il se pose alors la question suivante : « Comment les paysans de Xiangzhong ont-ils […] pu supporter cette folie et cette misère et comment ont-ils réussi à survivre ? » 

Liu accuse le Grand Bond en Avant d’avoir provoqué la famine en Chine à cause de ses idées « folles ». En effet, puisque vont être détruits les fourneaux dans les maisons et vont être confisqués les plats et marmites des villageois. Ceci ayant pour but d’obliger ces derniers à manger communautairement dans la cantine publique. Mais aussi, ils vont être contraints de réduire le nombre des pièces d’habitation, car les murs de terre et les toits de chaume qui les composent pouvaient servir d’engrais. Par ailleurs, d’importants travaux collectifs sont mis en place. Les paysans travaillent jour et nuit, le but étant de produire au maximum. L’auteur démontre également qu’il y avait beaucoup de violence faite à l’encontre des travailleurs, des paysans. De la manière dont l’auteur décrit les évènements, on a l’impression que ce sont des esclaves : ils travaillent dur, sont très peu vêtu et sont roués de coups. L’auteur veut montrer que ce n’était pas l’image que le Parti communiste laissait voir, ce n’était, dans les faits, pas du tout une mobilisation paysanne enthousiaste. De plus, les cantines publiques servaient de maigres rations et ces dernières suivaient un système de « suspension de repas », « d’amende sous forme de nourriture » pour les punitions (par exemple, quelqu’un qui arrivait dix minutes en retard ou qui faisait mal son travail) et fréquemment pouvait fermer soudainement pour un repas ou même plusieurs. Le Grand Bond en Avant mettait également la priorité dans l’industrie lourde et l’acier, démarche qui a été un immense échec et qui a ainsi contribué aux trois années de famine. Les années 1958-1961 vont voir aussi apparaître de nombreuses maladies dues à des carences alimentaires et beaucoup de morts.
Ainsi, il explique que les paysans n’ont eu d’autres choix de « prendre » tout ce qui leur tombait sous la main, surtout les produits de bases indispensables et la nourriture, puisque c’était pour assurer leur survie et celle de leur famille. Des propriétaires fonciers et des paysans riches vont également voler pour subvenir à leurs besoins. Pour mettre un terme aux vols, les instances gouvernementales et celles du Parti du district vont promulguer plusieurs lois et institutions et faire payer lourdement les « voleurs ». L’auteur explique aussi que « prendre » devenait un art, puisqu’il fallait trouver des moyens pour ne pas se faire prendre. Il finit son article par légitimer les vols en déclarant que sans cela, très peu auraient survécu. En 1961, le gouvernement a proposé un réajustement du système des communes populaires avec un peu plus de libertés. Ce n’est qu’en 1980 que les communes populaires sont démantelées et que les paysans vont pouvoir avoir des terres individuelles. 
Dans cet article, on voit bien la position de l’auteur qui justifie les vols et dévoile un visage assez noir du Parti communiste durant le Grand Bon en Avant.

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